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PEINTURES

Son parcours de peintre

 

Il commence à apprendre le dessin et la peinture à l'Académie de la Grande Chaumière, à Montparnasse, et poursuit son apprentissage dans l'atelier d'Othon Friesz jusqu’en 1946.

Serge Rezvani explique :
« Je voulais vivre la peinture – car peindre c’était avant tout pour moi une façon de vivre – et non pas produire des tableaux. Je ne gardais rien de ce qui sortait de mes mains ; les dessins tombaient à terre, sans que je me donne le peine de les ramasser ; pendant des mois, je peignais sur la même toile que je grattais lorsque la couche en devenait trop épaisse. J’aimais l’acte de peindre, j’aimais la vie qu’imposait l’acte de peindre, j’aimais l’extraordinaire tension qui me mettait en quelque sorte hors de moi lorsque, debout devant la toile, je n’étais plus moi mais ce qui se faisait sur la toile.

L’acte de peindre est, avant tout, une prise de position sensuelle de l’univers ; une sorte d'identification se produit entre vous et ce que vous cherchez à capturer par l’action de peindre. Le peintre se travestit sensuellement en ce qu’il peint. Il devient femme, pomme, fleur, lumière, je ne connais pas de communion plus complète – à part la fusion de l’amour. Peindre c’est aimer. J’aimais, oui, j’étais rempli d’amour pour tout ce que je voyais, pour tout ce que je touchais, je vivais dans une buée d’amour… et en même temps je me tenais à l’écart, parlant peu, ne mangeant presque rien, vivant d’aumônes et de petits vols, posant de temps en temps nu à l’atelier de croquis, au rez-de-chaussée de la Grande Chaumière. Je survivais grâce aux uns et aux autres... » (Serge Rezvani, Le testament amoureux, Stock collection Points, 1981, p. 97–98)
 

En 1946, il collabore avec Paul Éluard sur un livre intitulé Elle se fit élever un palais, qui le fait sortir de l'anonymat. Le poème de Paul Éluard, tiré de La Rose publique, est accompagné de gravures réalisées par Rezvani sur des planches de bois de caisses à savon trouvées dans les rues de Nice, où il réside parfois. Chaque exemplaire est également agrémenté de vignettes originales. À l’époque, Serge n'a que 18 ans et vit dans la précarité. Il raconte :


« Ne pouvant plus peindre faute de toiles et de couleurs, la nuit j'allais voler des poubelles, à l'époque de simples caisses de bois. Me servant des planches brutes, je gravais des profils de femme. Ensuite, en les encrant, je tirais sur une feuille de papier ces silhouettes de chair en réserve, dont la blancheur nue naissait des nœuds, veines, striures du bois vivant par le tremblé d'une richesse de dentelle de Chine. Paul Éluard vit par hasard les premiers tirages de ces gravures chez Monny de Boully. Il voulut me rencontrer. Ces profils de femmes verticales coïncidaient avec un rêve qu'il avait célébré par un poème. Pendant six mois je tirai chez Mourlot les planches de ce livre (...) j'allais souvent chez Éluard pour lui montrer les planches au fur et à mesure que je les tirais. Avant même que je ne sorte les gravures, il me faisait asseoir à table et m'apportait du pain et du fromage. Je mourais de faim, il le savait. »

Ce livre avec Éluard permet à Rezvani de présenter ses premières toiles. Il débute sa carrière en partageant un atelier avec Pierre Dmitrienko et Jacques Lanzmann (le frère de sa première femme). À partir de 1947, il participe aux expositions du groupe « Les Mains éblouies » à la Galerie Maeght d'Aimé Maeght, aux côtés de Dmitrienko, Lanzmann et Jean Signovert. Par la suite, il collabore avec Raymond Mason, qui jouera un rôle important dans son évolution artistique, les deux artistes partageant un atelier avec Jacques Lanzmann.

Serge Rezvani réalise également 80 dessins pour le livre de son père, Les coussinets de la princesse, ou le jeu des tomates par l’image (Paris, chez l’auteur, 1950).

Dans les années 1950, il gagne en reconnaissance grâce à ses œuvres abstraites. Il est exposé à la galerie Berggrüen à Paris en 1953, ainsi que par Lucien Durand, où il rencontre d’autres artistes de sa génération, comme Dmitrienko et Arnal. Plus tard, ses œuvres seront également présentées à la Hannover Gallery de Londres.

 


Autour de 1956, Serge se lance dans la création de vitraux, bien que cette période soit assez brève. À l'époque, il est en difficulté financière, mais des prêtres dominicains, admirant sa peinture, lui proposent de travailler sur des vitraux.

En 1956, il conçoit les 150 m² de vitraux en dalles de verre coloré pour l’église moderne Sainte-Anne de Saint-Nazaire. Ce projet est financé par les ouvriers du chantier, qui demandent à Serge de dessiner les maquettes. Ces vitraux sont réalisés en utilisant de grandes dalles de verre coloré, intégrées dans du ciment. Par la suite, il crée également les vitraux classiques (verre et plomb) de l’église Saint-Nicolas à Oye-et-Pallet (Doubs), réalisés par le jeune maître verrier Paul Virilio (qui deviendra plus tard philosophe), ainsi que ceux de la chapelle de la Clarté-Dieu à Orsay, où Henri Déchanet et Paul Virilio sont les maîtres verriers.

À la fin des années 1960, Serge fait construire un atelier pour peindre à La Béate. Cependant, peu après, il prend conscience que ses peintures évoquent le cancer de sa mère et qu’il ressent une pression commerciale qui affecte certains de ses amis peintres, comme Nicolas de Staël et Serge Poliakoff. Craignant de devenir un « professionnel » de la peinture, il décide en 1967 d'arrêter de peindre et se consacre à la pêche en apnée à Saint-Tropez. Il explique :

 

« Quand ma peinture a commencé à se vendre, j’ai arrêté. Je ne suis pas parvenu à être le marchand de mes tableaux, un rôle qui induit d’avoir un certain type de relation avec le monde. Ce dont je suis incapable. C’est trop douloureux. Alors, j’ai commencé à écrire : des chansons, des romans, des pièces de théâtre. Cela dit, quand j’ai terminé un livre et que je ne peux plus écrire, je reprends parfois mes pinceaux pour réaliser de grandes séries. Mais je ne considère pas ce travail comme de la peinture. Il s’agit plutôt d’images très représentatives, très littéraires, par certains côtés. »

 

Style

 

 

Les œuvres de Serge Rezvani se répartissent en plusieurs périodes marquées par des évolutions stylistiques notables.

Après la guerre, une nouvelle énergie souffle sur la scène artistique. Pour de nombreux jeunes artistes de sa génération, la peinture figurative est devenue obsolète. Inspiré par les enseignements de Vassily Kandinsky, Serge Rezvani se fait rapidement connaître comme un jeune peintre abstrait, aux côtés de Dmitrienko et François Arnal. L'abstraction lyrique prend alors son essor. Les couleurs chaudes et l'expression des artistes remplacent les formes géométriques froides et dépersonnalisées. Rezvani adopte une abstraction totale, éloignée de toute référence à la réalité, semblable à celle de Serge Poliakoff, avec ses lignes sinueuses qui s’entrelacent élégamment. Les œuvres de cette période lui valent un grand respect, fondé sur l'esthétisme et la recherche du raffinement.

À partir de 1965, il oriente sa pratique vers de grandes toiles de style plus réaliste, bien qu'il n'ait jamais cherché à réaliser du trompe-l'œil.

Dans les années 1990, Serge Rezvani s'engage dans une peinture plus figurative, qu'il expose notamment en 1999 à la Biennale de Venise. Depuis lors, il n'a jamais cessé de peindre, considérant l'acte de peindre comme une « prise de position sensuelle vis-à-vis de l'univers ».

En 2005, il réalise une série de vingt portraits de Marie-José Nat, son épouse.

Toutes ses séries sont composées de vingt tableaux, qu'il termine lorsque le thème est épuisé. La plupart de ses toiles sont de très grands formats, comme par exemple pour Les horreurs de la guerre électronique (2 m x 3,5 m), et celles consacrées aux Marines, également appelées Plages.

Depuis 1946, Serge Rezvani a exposé ses œuvres dans de nombreuses galeries et a participé à diverses expositions collectives, notamment aux Mains Éblouies à la Galerie Maeght, aux côtés de nombreux jeunes peintres de sa génération. Il a présenté ses travaux dans plusieurs lieux prestigieux, notamment à Paris (Galerie Maeght en 1950, galerie Arnaud, galerie Durand, galerie Berggruen, galerie Jacqueline Ranson), à Londres (Hanover Gallery), ainsi qu’à Lausanne, Stockholm et New York.

Voici quelques-unes des principales expositions de Serge Rezvani :

1945 : Première exposition à la Galerie La Reine Margot à Paris, où il présente des tableaux inspirés par des dessins réalisés lors d’un voyage en Corse avec Jacques Lanzmann et Pierre Dmitrienko. André Gide a écrit la préface de cette exposition.

1970 : Présentation de la série Les horreurs de la guerre électronique lors de l’exposition Toiles sur le Vietnam au musée d'Art moderne de Paris, dans le département ARC (Animation, Recherche, Confrontation). Ces œuvres s’opposent à la guerre du Vietnam menée par les États-Unis, tout comme sa pièce de théâtre Capitaine Schelle, Capitaine Eçço de 1969. Cette série sera ensuite exposée à Cuba.

Du 5 au 15 février 1976 : La série Les Plages est montrée lors de l’inauguration de Beaubourg – Centre Georges-Pompidou, dans le cadre de l’exposition Grandes Marines, hors les murs au Centre culturel du Marais. L’exposition est accompagnée de la mise en scène de sa pièce Le Palais d'hiver par Daniel Mesguich au Théâtre de la Ville.

Printemps 1994 : La série Repentirs est exposée à la Galerie Lucie Weill & Seligmann à Paris, en même temps que sa pièce de théâtre La Glycine.

Du 9 juin au 7 juillet 1999 : Lors de la Biennale de Venise, à la Galleria Del Leone, Serge Rezvani présente la série Femme, donna, écrite “avec du noir sur du blanc”. Il explique vouloir redécouvrir la femme, sa beauté et sa grâce à travers cette série, dont le livre Femme donna a été publié aux éditions Actes Sud.

2012 : La série Ils croient jouer au football mais ils ne savent pas qu'ils dansent un sublime ballet est exposée à la Galerie Guillaume.

Du 27 avril au 4 mai 2019 : Exposition à la Galerie Gallimard de l’un des seize exemplaires originaux du livre Elle se fit élever un palais (poème de Paul Éluard, bois gravés de Serge Rezvani).

Mars au 18 mai 2024 : Exposition "Serge Rezvani. Peintures" à la Galerie Loo & Lou (Paris 3e), présentant des tableaux et dessins de différentes périodes.

En 2009, Serge Rezvani envisageait une rétrospective de ses œuvres, mais une grande partie de ses toiles était alors conservée au Musée de la Havane à Cuba. Le musée n'acceptant de prêter les œuvres qu'en échange d'une caution très élevée, le projet n’a pas pu être réalisé.

Les œuvres de Serge Rezvani, comme il le déclare lui-même, témoignent de « soixante-dix ans de "peinture-recherche", plus que de production d’œuvres destinées à être vendues ou accrochées ». Cela explique pourquoi de nombreuses toiles de l’artiste n'ont jamais été exposées.

 

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